Piégeage et stockage du carbone
Le piégeage et stockage du carbone (PSC) consiste, comme son nom l'indique, à récupérer le CO2 issu de la combustion de matières carbonées (combustibles fossiles principalement, mais aussi biomasse) pour l'injecter dans le sous-sol à haute pression dans des formations géologiques adéquates et le stocker ainsi sur le long terme. Il s'agit d'une mesure d'atténuation visant à réduire l'intensité en carbone de l'énergie, que l'on pourrait qualifier comme "mesure de second ordre" puisque la quantité de carbone n'est pas réduite à la source, au niveau du combustible, mais en sortie : on ne limite pas la quantité de CO2 émis, mais on évite son rejet dans l'atmosphère.
On peut identifier deux avantages a priori de cette mesure :
en premier lieu, elle constitue une source de souplesse et de flexibilité à court terme. En effet, les ressources connues en combustibles fossiles représentent 5 fois la quantité en carbone relâchée dans l'atmosphère du fait des activités humaines depuis 1860. La limitation de l'utilisation de ce type de combustible ne viendra donc pas des contraintes sur les ressources, quelles que soient les incertitudes sur les développements technologiques nécessaires pour exploiter les sources non conventionnelles, et sur les aspects géopolitiques. En outre, si des décisions ou des incitations politiques pour abandonner ce type de combustible sont mises en place, un "temps de réaction" des acteurs et des technologies doit être pris en compte. Le GIEC estime que, quels que soient les scénarios envisagés, les combustibles fossiles resteront la source majoritaire d'énergie jusqu'en 2020. Le PSC permettrait de moduler ces émissions inévitables, et de rendre les adaptations technologiques moins coûteuses : on continue à utiliser des combustibles fossiles, mais leur impact est moindre en terme d'émissions de CO2. Cet avantage à court terme est celui qui a été abondamment étudié et évalué, en particulier par le rapport spécial du GIEC donné en référence ;
allié à d'autres progrès technologiques, le PSC donnerait une potentialité beaucoup plus grande de réduction des émissions : il pourrait ainsi permettre de produire à partir de combustibles fossiles et de façon « propre » de nouveaux vecteurs d'énergie, eux non fossiles, comme par exemple l'hydrogène. Son champ d'application serait alors fortement étendu.
Un des arguments majeurs en faveur du PSC est que sa faisabilité technique est quasiment établie. Le CO2 émis doit d'abord être piégé ou capturé dans un flux de gaz souvent mélangé (il y a 15% de CO2 environ dans les gaz sortant d'une centrale électrique par exemple). Le CO2 quasi pur et à haute pression doit ensuite être transporté jusqu'à son lieu de stockage, où il doit être injecté dans des formations géologiques ou océaniques présentant les caractéristiques adéquates pou le retenir à long terme.
Pour chacune de ces étapes, il existe aujourd'hui plusieurs solutions techniques à des degrés de maturité technologique divers mais dans l'ensemble déjà démontrées et commercialisées dans des domaines proches. La plupart de ces solutions sont bien maîtrisées par l'industrie pétrolière et gazière, qui a en particulier une certaine expérience dans les transports de gaz sous pression, et des compétences reconnues dans l'expertise des couches géologiques. Si l'on entre un peu plus dans le détail, le piégeage est l'étape la moins au point techniquement aujourd'hui (à l'étape de la démonstration seulement), et dont on attend le plus de progrès.
Trois solutions, sur lesquelles on reviendra par la suite, sont aujourd'hui envisagées pour le réaliser :
la capture post-combustion,
la capture précombustion,
et l'oxycombustion, cette dernière étant la moins mature.
Le transport du site de production au lieu de stockage se ferait surtout par gazoduc, avec possibilité de recours à des navires citernes ou des camions citernes, mais ne pose pas de problèmes nouveaux par rapport aux transports actuels de divers gaz et produits combustibles effectués par l'industrie pétrolière et gazière.
Le stockage géologique est quant à lui principalement envisagé dans d'anciens réservoirs de pétrole ou de gaz, dans des formations salines aquifères profondes, ou dans des bassins houillers difficilement exploitables. Ces formations sont en effet considérées comme offrant les meilleures garanties en terme d'imperméabilité et de capacité à retenir et / ou fixer le gaz sous pression. Trois projets industriels existent déjà, Sleipner en mer du Nord, Weyburn en Australie, et In Salah en Algérie, stockant de 1 à 3 Mt de CO2 par an. L'injection de CO2 sous pression est aussi emp-loyée dans certains cas par l'industrie pétrolière, pour la récupération assistée de pétrole. Le stockage océanique, basé sur le principe de la dissolution du CO2 dans l'eau à grandes profondeurs, est une proposition encore au stade de la recherche. Les potentialités semblent immenses, mais les risques pour les écosystèmes (le CO2 dissous acidifie les eaux) et la régulation du climat à long terme sont encore très méconnus, ce qui suggère la plus grande prudence. En terme de capacité de stockage, les évaluations proposent entre 1 685 et 11 100 Gt de CO2 (hors stockage océanique), mais les différentes modélisations montrent qu'il ne s'agit pas d'un élément limitant.
Principaux obstacles
Avant de détailler les différentes techniques de PSC et les progrès qui peuvent en être attendus signalons les principaux obstacles qui existent encore à leur mise en œuvre à grande échelle :
la première limite concerne le stockage, et les incertitudes liées aux fuites. Des fuites ponctuelles, lors du transport par exemple, représentent un danger local certain pour les êtres vivants se trouvant à proximité, mais ne sont pas un réel problème à grande échelle. La difficulté vient d'un risque de fuites plus diffuses, mais sur une longue période, une fois que le CO2 est stocké : dans quelle mesure peut-on considérer que le stockage du CO2 dans une formation géologique est un stockage permanent, notamment par rapport à l'échelle de temps du changement climatique ;
les risques environnementaux annexes liés au PSC sont eux aussi mal connus. On sait par exemple que certains procédés ou technologies envisageables, comme la capture post-combustion, nécessitent une utilisation de solvants organiques : comment ces solvants seront-ils produits et recyclés, et en quelles quantités ;
enfin, de nombreuses questions juridiques sont encore en suspens
Stratégies de piégeage
Capture post-combustion
La capture post-combustion désigne la séparation du CO2 des gaz émis après combustion de combustibles fossiles ou de biomasse. Au lieu de rejeter directement dans l'air les fumées liées à la combustion, les gaz sont traités pour extraire le CO2 qui est comprimé, transporté et stocké, les autres gaz étant ensuite rejetés dans l'atmosphère. La technique de séparation généralement utilisée fait appel à l'absorption physique ou chimique. L'un des procédés annoncé parmi les plus prometteurs est l'absorption dans de l'ammoniaque réfrigéré, sur lequel Alstom investit actuellement fortement (chilled ammonia process ou CAP en anglais).
Mais d'autres procédés existent aussi comme la capture par anti-sublimation du CO2.
Au-delà des applications industrielles existantes, la capture post-combustion pourrait surtout s'appliquer aux centrales électriques existantes à fioul, charbon ou gaz et notamment aux centrales au charbon pulvérisé ou à cycle combiné à gaz naturel.
La fiche-guide de TD FG13 sur l'absorption du CO2 dans du méthanol montre comment capturer du CO2 dans une centrale électrique par absorption dans du méthanol, et comment on peut la modéliser de manière réaliste avec Thermoptim.
Capture pré-combustion
Un procédé de capture pré-combustion se compose typiquement de deux étapes. Il en existe déjà mais à petite échelle.
La première étape génère un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène à partir du combustible primaire. Deux réactions sont possibles :
le réformage à la vapeur (steam reforming) ;
l'oxydation partielle ou gazéification.
La deuxième étape est une étape de conversion qui transforme CO en CO2 en utilisant la réaction du gaz à l'eau.
Finalement, le CO2 est extrait du mélange CO2/H2, dont la concentration initiale est de 15 à 60 % et la pression de 20 à 70 bars. Le CO2 peut alors être stocké. Signalons dès à présent que la capture pré-combustion a un coût énergétique significatif, du fait de la nécessité de convertir en CO2 tout le CO produit lors de la première étape, et ceci avant entrée dans la chambre de combustion. Une partie du PCI du combustible initial est donc perdue.
Deux applications sont envisageables pour la pré-combustion :
production d'un combustible (H2) quasiment sans carbone. L'hydrogène ne doit pas nécessairement être pur mais, moins le combustible produit contient de carbone, moins sa combustion produit de CO2 ;
diminution de la teneur en carbone des combustibles. Par exemple, le charbon contient un faible rapport H/C. En utilisant la pré-combustion, on peut obtenir un combustible avec un rapport plus important et piéger le carbone correspondant libéré sous forme de CO2. L'utilisation postérieure du combustible ainsi obtenu libère beaucoup moins de CO2.
Capture par oxycombustion
Cette technologie consiste à réaliser la combustion en présence d'oxygène pur ou d'un mélange d'oxygène et de gaz recyclés riches en CO2 ou en eau. De ce fait, les gaz produits par la combustion se composent principalement d'eau, de CO2 et d'excès d'oxygène nécessaire à la combustion totale. Pour mettre en œuvre une telle combustion, il faut séparer l'oxygène de l'azote, principal composant de l'air.
Cette technique est présentée dans cette fiche thématique.