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Pincement dans un générateur de vapeur récupérateur (GVR)

Présentation du problème

De nombreux chercheurs se sont penchés sur le problème de l'optimisation de la récupération de la chaleur sensible sur des effluents. Le calcul exergétique ne pose pas de problème particulier, mais il se révèle la plupart du temps peu exploitable car les rendements réels sont nettement inférieurs aux valeurs théoriques maximales : la référence idéale est donc mal choisie.

L'expérience montre que l'optimisation du cycle à vapeur est souvent faite au détriment de celle du générateur de vapeur récupérateur (GVR). Il ne suffit donc pas d'optimiser chacun des composants pour arriver à un optimum global de l'installation : il faut disposer d'une méthode d'optimisation systémique que l'on puisse utiliser en complément de l'approche classique au niveau de chaque composant.

Considérons un effluent qui peut être gazeux ou liquide, et un cycle de récupération à vapeur d'eau, simple sans resurchauffe. Nous cherchons à savoir comment valoriser au mieux l'énergie thermique disponible.

Le schéma suivant illustre le fonctionnement d'un GVR destiné à valoriser les gaz d'échappement d'une turbine à gaz, grâce à un cycle combiné à un seul niveau de pression.

Générateur de vapeur récupérateur (GVR)

La partie gauche schématise le générateur de vapeur, constitué de trois zones d'échange thermique : l'économiseur, le vaporiseur et le surchauffeur, et la partie droite présente, dans un disgramme température - enthalpie (T, h), l'évolution subie par les deux fluides :

  • la veine de gaz, en rouge, qui se refroidit ;

  • la vapeur, qui s'échauffe à l'état liquide, est vaporisée, puis surchauffée.

Influence de la température des rejets

Affinons la représentation dans le diagramme enthalpique (figure ci-dessous).

La courbe en traits gras y représente, entre les points 1 et 2, le refroidissement de l'effluent, de Tmax, température maximale, à Trej, température des rejets, et la courbe en traits fins celle de l'échauffement de l'eau à l'état liquide (économiseur 3 - 4), sa vaporisation (évaporateur 4 - 5), puis la surchauffe de la vapeur (surchauffeur 5 - 6).

La température maximale de surchauffe est égale à Tmax - Tap, Tap étant appelé sous-refroidissement d'approche (SRA).

Figure 2 : Diagramme enthalpique d'un cycle de récupération à vapeur

Il s'agit toutefois là de transformations idéalisées : en toute rigueur, les évolutions ne correspondent pas exactement à des segments de droite, du fait de la variation de la chaleur spécifique Cp en fonction de la température. De plus, le raccordement des différents segments n'est pas toujours continu : des sous-refroidissements d'approche sont généralement retenus entre l'économiseur et l'évaporateur pour réguler le générateur de vapeur.

m étant le débit massique, on a h = m Cp T, et T = h/(m Cp). Dans ce diagramme, la pente des courbes est donc égale à l'inverse des débits calorifiques m Cp.

Trej doit bien évidemment être la plus basse possible pour que la récupération d'énergie soit maximale. Toutefois, Trej > T0, température de l'environnement. Par ailleurs, des limites basses peuvent exister pour Trej, liées en particulier, dans le cas où l'effluent est un gaz de combustion (fumées), à la condensation possible de gaz susceptibles de conduire à la formation d'acides (SO2, NOx). Ces limites, qui dépendent des combustibles utilisés, peuvent être relativement élevées (180 - 200 °C pour le fioul lourd, 130 °C pour le fioul domestique), ou basses (70 °C pour le gaz naturel).

En appelant Trejlim la température limite inférieure des rejets, on peut définir :

  • d'une part une efficacité maximale ef = (Tmax - Trejlim)/(Tmax - T0) pour la récupération d'énergie, relative à l'effluent et dépendant uniquement de sa nature ;

  • et d'autre part une efficacité relative du récupérateur gv = (Tmax - Trej)/(Tmax - Trejlim).

La puissance enthalpique récupérable est : h = m ef Cpef (Tmax - Trej)

ce qui peut encore s'écrire : h = gv ef mef Cpef (Tmax - T0) = gv ef hmax.

Par abus de langage, mais afin de ne pas trop alourdir le texte, on parlera parfois d'enthalpie au lieu de puissance enthalpique, et on omettra aussi le signe de dérivation par rapport au temps.

Influence de la pression du cycle vapeur

Pour simplifier le formalisme, faisons l'hypothèse que la condensation (après détente de la vapeur) a lieu à la température T0. Si ce n'est pas le cas, le raisonnement doit être légèrement modifié, sans que ses fondements soient remis en cause.

Une partie du cycle de récupération à vapeur est représentée sur la figure 2 par le tracé (3 - 4 - 5 - 6). La chaleur spécifique du liquide étant supérieure à celle du gaz, la pente 1/mCp est, pour un cycle simple sans resurchauffe, supérieure dans la partie droite (5 - 6 surchauffeur) à celle de la partie gauche (3 - 4 économiseur).

Compte tenu par ailleurs de l'existence du palier de vaporisation (4 - 5), elles sont toutes deux supérieures à la pente moyenne entre T0 et Tmax - Tap représentée en tiretés. Il en résulte l'allure caractéristique de la courbe du générateur de vapeur récupérateur (GVR) : l'écart entre les deux courbes diminue dans l'économiseur, passe par un minimum, croît lors de la vaporisation, puis diminue de nouveau au niveau du surchauffeur. On appelle pincement l'écart minimum situé entre l'économiseur et l'évaporateur, pour une température Tpinc égale à la température de saturation à la pression du cycle.

Nous dirons que ce pincement, qui doit être strictement positif pour que la chaleur puisse être transférée de l'effluent vers le cycle de récupération, est minimal lorsque sa valeur (de l'ordre de 5 à 15 K) ne peut être réduite sans mettre en cause le bon fonctionnement de l'installation. Déjà, des valeurs aussi faibles nécessitent de très importantes surfaces d'échange, qui ne sont pas nécessairement économiquement justifiées.

Le débit de vapeur produite dépend du niveau de pression, par les relations :

représente la variation d'enthalpie de la vapeur entre les points 3 et 6 de la figure 2.

Appelant de la même manière :

la variation d'entropie de la vapeur, pour maximiser la production d'exergie au niveau de la vapeur, il faut maximiser :

soit :

ou encore :

Sur la figure ci-dessous, on constate que f(T,p) est une fonction monotone croissante de la pression du cycle, ce qui signifie que l'on a intérêt à travailler à la pression la plus élevée possible.

Allure de la fonction f(T,p)

Il existe cependant une limite, comme le montre le diagramme enthalpique de la figure 2 : le débit de vapeur (fonction de h6-3) restant sensiblement constant lorsque la pression du cycle croît, la température de saturation et donc la quantité de chaleur à fournir à l'économiseur augmentent, jusqu'à ce que la courbe ascendante gauche (économiseur 3 - 4) croise celle de l'effluent, pour la valeur Tpincmax. Si la pression croît au delà de cette limite, la contrainte de pincement ne peut être respectée que si la température des rejets augmente, ce qui entraine une baisse de l'efficacité relative du récupérateur gv.

L'optimisation du cycle à vapeur se fait alors au détriment de la récupération d'énergie : l'existence d'un pincement minimal introduit ainsi une contrainte prédominante. Comme le montre le diagramme, le problème dépend de nombreux paramètres : Tmax, Trejlim, Tap, Tpinc, et l'optimisation du système complet peut se révéler relativement complexe.

Le cas que nous venons de présenter est bien évidemment un cas d'école, les choses étant en pratique beaucoup plus compliquées. Toutefois, les deux notions de pincement et de température limite des rejets continuent d'y jouer un rôle majeur et interdépendant.

Pour illustrer ce point, examinons ce qui se passe, pour une température de pincement donnée, lorsque la température maximale de l'effluent varie.

Si l'on raisonne à enthalpie récupérée et températures de pincement et d'approche constantes, la contrainte de pincement minimal est vérifiée par l'ensemble des droites qui passent par le point P de la figure ci-dessous. On dit que la droite des effluents pivote autour du point de pincement.

Pivotement autour du pincement

Comme on peut le constater dans cette figure, plus Tmax est élevée, plus Trej peut être basse. On comprend ainsi pourquoi l'optimisation des centrales classiques ne se heurtait pas à une contrainte de pincement, ceci d'autant plus qu'elles utilisent généralement des combustibles dont la température minimale des rejets est élevée. En revanche, lorsque l'on cherche à récupérer de l'énergie sur des effluents, cette contrainte se révèle d'autant plus forte que la température Tmax est plus basse.

Cette analyse montre qu'un cycle à vapeur à un seul niveau de pression ne permet généralement pas de complètement refroidir la veine des effluents.

Pour améliorer les performances du cycle, on utilise plusieurs circuits de vapeur à des niveaux de pressions différents (deux, trois ou même quatre).

Les trois figures ci-dessous montrent l'intérêt de recourir à plusieurs niveaux de pression : avec certaines hypothèses simplificatrices et un choix judicieux des échelles, on peut superposer dans un diagramme entropique les cycles de la turbine à gaz et de la centrale à vapeur. Dans les trois cas, la surface verte ne produit aucun travail. Le rectangle rouge de la figure de gauche visualise le cycle de Carnot.

L'optimisation de tels cycles est un problème complexe, car, pour obtenir le meilleur refroidissement de la veine de gaz chauds, on dispose de nombreux degrés de liberté sur les niveaux de pression, sur les débits correspondants, et sur le placement des échangeurs (en série ou en parallèle).

Conclusion

La problématique de la récupération d'énergie sur des effluents est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, du fait de l'existence d'un pincement. Il est en effet impossible d'optimiser indépendamment le cycle de récuparation à vapeur, qu'il s'agisse d'eau ou d'un fluide organiqe (cycles ORC), et le générateur de vapeur récupérateur GVR.

La méthode d'optimisation de Thermoptim exposée dans une autre page de ce portail est un des outils qui permettent de traiter ce genre de problème. Elle est l'extension au cas des centrales de production d'électricité ou de cogénération, de la méthode du Pincement développée dans le cadre du génie chimique pour optimiser la configuration de très gros réseaux d'échangeurs (comme par exemple ceux d'une raffinerie).

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