Cryogénie
Cycles cryogéniques
On parle de cryogénie pour désigner les procédés de réfrigération à très basse température (typiquement inférieure à 125 K), et les distinguer des cycles de réfrigération ordinaires. Bon nombre de ces procédés concernent la liquéfaction des gaz dits permanents, comme l'air, le gaz naturel, l'hydrogène ou l'hélium.
La cryogénie est donc le domaine de l'ingénierie qui s'intéresse aux systèmes fonctionnant à très basse température, ce qui pose des problèmes particuliers, notamment en termes de fluides et de matériaux.
Les cycles de réfrigération et de liquéfaction cryogéniques mettent en jeu des combinaisons de compressions paraisothermes, de refroidissements, de régénérations thermiques et de détentes isenthalpiques ou adiabatiques des fluides.
On peut distinguer quatre grandes familles de procédés thermodynamiques cryogéniques :
les procédés à détente isenthalpique de Joule-Thomson
les cycles inverses de Brayton à détente isentropique
les procédés mixtes associant une détente isenthalpique et une détente isentropique (cycle de Claude)
les cascades classiques ou intégrées
Il est possible de modéliser avec Thermoptim quelques cycles cryogéniques, mais l'exercice est souvent délicat compte tenu des niveaux de température très bas que l'on peut atteindre. On trouvera dans cette fiche quelques cas de cycles de liquéfaction du méthane et de l'azote, ainsi qu'un cycle de réfrigération de Brayton inverse à hélium à très basse température. Ces exemples s’inspirent des documents cités en référence, en particulier du fascicule J 3600 des Techniques de l'Ingénieur, rédigé par P. PETIT.
PROCEDES A DETENTE ISENTHALPIQUE DE JOULE-THOMSON
Nous illustrerons ce procédé par des exemples destinés à liquéfier du gaz naturel et former du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), considéré ici comme du méthane pur.
Cycle de base de liquéfaction du méthane
Pour liquéfier du gaz naturel, on comprime à 100 bars du méthane pris à 1 bar et 280 K, puis on le refroidit jusqu'à 210K (on suppose dans cet exemple que l'on dispose d'un cycle de réfrigération permettant de le faire).
La compression est supposée isentropique, mais le rapport de compression très élevé nécessite le recours à plusieurs compresseurs (3 dans cet exemple) avec refroidissement intermédiaire à 280 K. Les pressions intermédiaires sont égales à 5 et 25 bars.
Le gaz refroidi à 210 K est détendu isenthalpiquement de 100 bars à 1 bar, et ses phases liquide et gazeuse séparées. Comme le montre le schéma de l'installation de la figure ci-dessous, le méthane entre dans la partie supérieure gauche, et les fractions liquide et gazeuse sortent en bas à droite.
Avec le paramétrage retenu, le synoptique de l'installation est donné ci-dessous.
Le travail de compression nécessaire par kilogramme de méthane aspiré est de 798,5 kJ, et 0,179 kg de méthane liquide sont produits, ce qui correspond à un travail de 4,46 MJ par kilogramme de méthane liquéfié.
Cycle de Linde
Dans un cycle de Linde (voir ci-dessous), on améliore le cycle précédent sur deux points :
on recycle le méthane gazeux après détente isenthalpique
on introduit un échangeur de chaleur entre ce méthane gazeux et le méthane sortant du refroidisseur, afin de refroidir le gaz comprimé non plus à 210 K mais à 191 K.
Pour ces nouvelles conditions le travail de compression par kilogramme de méthane liquéfié devient égal à 1,91 MJ, soit simplement 43 % du précédent.
Le calcul de ce cycle demande quelques précautions, compte tenu de la sensibilité de l'équilibre de l'échangeur aux variations de débit imposées par le séparateur.
La solution que nous avons trouvée a été d'imposer le débit dans le premier intercooler, puis de recalculer l'ensemble du projet en recalculant en plus à plusieurs reprises le régénérateur. Une solution stable pouvait alors être trouvée, mais elle conduisait à un débit de recirculation inexact au début. Progressivement, la valeur du débit à imposer correcte a été obtenue par approximations successives.
Le gain de performance provient essentiellement de la baisse de la température en entrée de détendeur, qui réduit le titre de sortie et augmente donc le débit de la phase liquide. Par ailleurs, la baisse de la température en entrée du premier compresseur permet de réduire le travail de compression, mais cet effet est moins important que le premier.
Tracé dans les diagrammes thermodynamiques
Le tracé des deux cycles dans les diagrammes (h, log P) et entropique illustre bien les avantages du second : le décalage vers la gauche du point 7 en 7bis dans le cycle de Linde a pour effet de plus que doubler le titre en liquide en sortie de détendeur (point 8).
Cycle de Linde pour la liquéfaction de l'azote
Pour liquéfier de l'air, (nous prendrons ici de l'azote pur), on comprime à 200 bars de l'azote pris à 1 bar et 280 K (compression refroidie le portant à 50 °C), puis on le refroidit jusqu'à 280K.
L'azote est alors refroidi dans un échangeur avec la partie non liquéfiée, ce qui lui permet d'atteindre une température d'environ -110 °C. Il est ensuite détendu de manière insenthalpique jusqu'à 1 bar, ce qui permet d'en liquéfier environ 8 %.
La fraction liquide est extraite, et le reste, sous forme de vapeur saturée, est recyclée dans le régénérateur puis mélangé avec l'azote atmosphérique à 280 K, ce qui ferme le cycle. La performance de cette machine est faible, de l'ordre de 1,8 l/kWh, mais le cycle peut être modélisé sans difficulté dans Thermoptim.
Il y a moyen de l'améliorer avec un cycle à double détente, mais son paramétrage est beaucoup plus difficile à obtenir, car des instabilités peuvent apparaître au niveau des débits, du fait du rôle joué par les séparateurs de phase (figure ci-dessous).
CYCLES DE BRAYTON INVERSE
Le cycle de Brayton inverse a été présenté dans une fiche thématique, à laquelle nous vous recommandons de vous référer pour plus de précisions.
Ce cycle peut être utilisé pour des applications cryogéniques. A titre d'exemple, la figure ci-dessous montre le synoptique obtenu en s'inspirant de l'exemple 3.2.1 de B. Petit, relatif à une installation destinée à produire du froid en dessous de 20 K pour réfrigérer une chambre à bulles à hydrogène liquide.
Dans ce cycle, l'hélium est comprimé à 20 bars, puis refroidi à 30 °C, avant d'être divisé en deux flux qui sont détendus en parallèle, le flux principal suivant un cycle de Brayton inverse classique, tandis que le secondaire contribue au refroidissement du débit total.
Notez que, dans cet exemple, il faut forcer à la main la température du point 12 bis, égale à celle du point 12, du fait de la nécessité de changer de corps, la vapeur helium n'étant définie dans Thermoptim que pour T < 200 K.
PROCEDES MIXTES : CYCLE DE CLAUDE
Le cycle de Linde utilise une détente isenthalpique qui présente deux inconvénients : d'une part le travail de détente est perdu, et d'autre part le refroidissement ne peut être obtenu que si l'état thermodynamique du fluide est tel que la détente de Joule-Thomson conduit à un abaissement de la température.
Claude a quant à lui proposé un cycle qui met en jeu une turbine et un détendeur et présente la particularité que l'installation fonctionne avec un seul fluide comprimé à un seul niveau de pression, comme le montre la figure ci-dessous. Le cycle de Claude a été utilisé dans de nombreuses installations de liquéfaction de l'air.
L’intérêt de ce cycle est que le rapport de compression peut être notablement plus faible que dans le cas du cycle de Linde. L’une des difficultés est que la machine de détente ne peut fonctionner avec un bon rendement que si le fluide reste dans la zone vapeur ou conserve un titre élevé. L’originalité du cycle de Claude est donc de combiner détente isentropique dans la turbine, et détente isenthalpique dans la seule détente conduisant à la liquéfaction du gaz.
Le début du cycle est le même que celui de Linde : compression du gaz à liquéfier, puis refroidissement à la température ambiante environ (1-3). Le gaz passe ensuite dans un régénérateur qui permet de le refroidir à environ -105 °C (3-4). Le flux est alors divisé, environ 15 % étant détendu dans une turbine (4-8). Le flux principal passe alors dans un deuxième régénérateur dont il sort à très basse température (4-12). Il subit alors une détente isenthalpique (12-5) et la phase liquide est extraite. La phase vapeur est alors mélangée au flux sortant de la turbine, et sert de fluide de refroidissement au deuxième régénérateur (10-11), puis au premier (11-7) avant d’être recyclé par mélange avec le gaz entrant dans le cycle.
Ce cycle peut être modélisé avec Thermoptim. En s'inspirant de l'exemple 3.2.2.2 de B. Petit présenté dans les Techniques de l'Ingénieur, on obtient le synoptique de la figure ci-dessous.
CYCLES EN CASCADE
Il est aussi possible d'utiliser des cycles de réfrigération en cascade, l'évaporateur de l'un d'eux servant de condenseur à l'autre et ainsi de suite (figure ci-dessous). Les différents circuits frigorifiques sont alors indépendants sur le plan hydraulique, mais couplés thermiquement par leurs évapo-condenseurs.
Une variante, très utilisée de nos jours dans les unités de liquéfaction du gaz naturel, consiste à utiliser une cascade dite incorporée, faisant appel à un fluide thermodynamique unique composé d’un mélange de méthane, d’éthane, de propane, de butane et de pentane.
Fiches-guides de TD
Il n'y a pas de fiche-guide de TD traitant de ce cycle.
Exercices et activités personnelles
A titre d'exercices vous pouvez modéliser les cycles présentés ci-dessus . Leurs corrigés succincts vous fourniront les fichiers Thermoptim correspondants :
liquéfaction du méthane
liquéfaction de l'azote (Linde)
Brayton inverse à hélium
liquéfaction de l'azote (Claude)
Références
ASHRAE, Cryogenics, ch. 38, Fundamentals Handbook (SI), 2002.
P. PETIT, Séparation et liquéfaction des gaz, Techniques de l'Ingénieur, J 3600.
S. SANDLER "Chemical and Engineering Thermodynamics" 3ème édition, J. Wiley editors, 1999