Analyse fonctionnelle système
Présentation générale
L'analyse fonctionnelle système (AFS) est une méthode développée par la Marine Nationale au Centre d'Instruction Naval de Saint Mandrier (le nom a été choisi par M. F. Colonna, enseignant au CIN).
Il s'agit d'une méthode pédagogique qui s'appuie sur les outils de l'Analyse Fonctionnelle (fondamentalement une méthode de conception de dispositifs techniques ou organisationnels), pour définir un fil directeur permettant aux élèves de découvrir et comprendre les différents éléments composant les systèmes qu'ils étudient, et les liens qui les relient.
L'analyse fonctionnelle système développée par la Marine Nationale peut se révéler pédagogiquement très efficace pour aborder des objets techniques ou organisationnels complexes, notamment dans un contexte de formation professionnelle, dans lequel les élèves ont souvent de la difficulté à se motiver pour acquérir des savoirs dont ils ne perçoivent pas clairement la finalité.
C'est une démarche qui consiste à faire prendre conscience aux élèves que la notion de fonction joue un rôle fondamental pour comprendre les systèmes techniques qu'ils étudient : ils ont été conçus pour remplir des fonctions bien définies et atteindre, dans un environnement donné, des performances parfaitement spécifiées.
Au cours de sa formation, un élève apprend par ce biais à identifier ces fonctions et à les hiérarchiser, et développe sa culture technologique pour comprendre pourquoi plusieurs solutions techniques peuvent parfois répondre au problème posé. Les notions de défaillance ou de dysfonctionnement sont directement liées à la non satisfaction d'une fonction particulière.
L'analyse fonctionnelle système devient ainsi une grille de lecture ou un guide méthodologique très général pour aborder de nombreux objets techniques. C'est une approche générique utilisable à des échelles très variables, globalement ou au niveau des composants, qui de plus peut constituer une très bonne introduction à l'analyse système, tout en étant beaucoup plus intuitive. Quelqu'un formé à l'analyse fonctionnelle aura moins de difficulté qu'un autre à aborder des études systèmes moins directement compréhensibles, dès lors que la recherche des fonctions assurées par le système constitue une méthode d'identification des éléments qui le composent.
Son introduction est facile, car elle met en œuvre des concepts très intuitifs qui peuvent directement s'ancrer dans les référentiels mentaux des élèves, quel que soit leur niveau scolaire, car leur connotation dans le langage courant est très proche de celle qu'on leur attribue plus rigoureusement lorsqu'on la formalise. A titre d'exemple, tout le monde peut parfaitement comprendre ce qu'on appelle une cuisine ou une maison fonctionnelle. Interrogez un élève sur les fonctions que doit remplir un téléphone portable, un lecteur de CD ou un baladeur, et vous obtiendrez des réponses très pertinentes, quel que soit son niveau scolaire.
Diagrammes FAST
Les diagrammes FAST permettent de rassembler de manière graphique et interactive toute l'information sur un dispositif technique :
fonctions assurées, présentées hiérarchiquement ;
solutions techniques retenues ;
valeurs des paramètres caractéristiques ;
documentation technique et d'utilisation.
La mise en œuvre de l'analyse fonctionnelle peut être utilement assistée par l'utilisation d'outils divers et de représentations graphiques. Elles font presque toutes appel à des diagrammes destinés à visualiser les liens existant entre les différentes fonctions, chacune privilégiant un angle de vue. Les diagrammes FAST sont basés sur des diagrammes simples qui se révèlent particulièrement intéressants.
A l'origine, pour définir les fonctions, l'analyse fonctionnelle préconisait de les exprimer sous forme de couples associant un verbe indiquant une action à entreprendre, et un attribut mesurable (par exemple, pour un système de chauffage, « maintenir une enceinte à la température de 20 °C à 0,1 °C près »).
Créée en 1960 par l'américain Charles W. Bytheway, la méthode FAST (Function Analysis System Technique) permet d'aller beaucoup plus loin en présentant graphiquement les fonctions d'une manière qui dégage un ordre logique particulièrement intéressant pour la compréhension du système sous-jacent.
Dans un premier temps, il s'agit d'identifier les fonctions que le produit doit assurer, ce qui permet ensuite de les hiérarchiser en mettant en évidence la fonction principale et celles qui en découlent, et de les ordonner graphiquement.
On distingue deux grands types de fonctions : d'une part les fonctions de service, qui correspondent à une interaction entre le système et le milieu extérieur et traduisent les actions attendues ou réalisées par le produit pour répondre à un besoin, et d'autre part les fonctions techniques, internes au produit, qui sont choisies par le constructeur dans le cadre d'une solution, pour assurer une fonction de service. Plus précisément, on distingue deux types de fonctions de service, les fonctions principales correspondant aux finalités du système, et les fonctions contraintes nécessaires pour l'accomplissement des premières, mais non directement liées aux finalités.
Le diagramme se construit de gauche à droite en plaçant à gauche la fonction principale et en se déplaçant ensuite vers la droite ou vers le bas. Chaque fonction est décrite par un verbe d'action à l'infinitif, et les liaisons entre les blocs fonctionnels permettent de répondre à trois questions :
pourquoi la fonction existe-elle ?
comment la fonction est-elle réalisée avec des fonctions d'ordre inférieur ?
quand est-il nécessaire de disposer de plusieurs fonctions en parallèle ?
La première question correspond à une lecture de droite à gauche du diagramme, la seconde de gauche à droite, et la troisième de haut en bas, par colonne.
Dans le diagramme de la figure ci-dessous, qui reprend un exemple de diagramme FAST donné dans le Wikipedia, la fonction de service FS1 est réalisée par deux fonctions techniques, FT1 et FT2, lesquelles sont elles-mêmes réalisées par plusieurs sous-fonctions techniques, conduisant aux solutions constructives A à E.
Nous avons développé une application interactive (visualisateur de diagramme FAST) appelée fastManager, qui permet de dévoiler globalement ou pas à pas un diagramme FAST.
Le diagramme est très simplement décrit par un fichier xml dont les enregistrements correspondent aux différentes fonctions à afficher, le lien logique les unissant étant donné par la connaissance de la relation de filiation qui existe entre eux.
Il suffit ainsi de juxtaposer ces différents enregistrements, et l'application est capable de reconstruire automatiquement l'arbre qui les relie.
A titre d'exemple, vous pouvez consulter le diagramme FAST de réfrigérateur présenté dans la fiche thématique sur les installations de réfrigération qui est disponible en ligne.
Un utilitaire développé sous Java, appelé « Concepteur de diagrammes FAST», permet à un utilisateur non familier de la syntaxe xml de créer le fichier relu par notre visualisateur grâce à une interface visuelle très simple d'emploi.
Si vous êtes intéressés par ces outils, envoyez un e-mail à info-th@thermoptim.org.
Mise en oeuvre pratique
L'approche cartésienne, qui conserve une grande influence dans notre culture, postule qu'il faut que les élèves commencent par acquérir toutes les bases avant que les applications leur soient enseignées. Le résultat est que dans un très grand nombre de formations, le cours est divisé en parties distinctes traitées séquentiellement, en commençant par les bases notamment théoriques et en finissant pas les applications.
Il se trouve malheureusement pour la formation que cette organisation classique se révèle très peu efficace en pratique parce qu'elle est contraire à un certain nombre de recommandations pédagogiques.
Tout d'abord la motivation des élèves est généralement très faible pour étudier les bases hors du contexte applicatif. Ensuite, entre le moment où ces bases ont été présentées et leur mise en application, il peut se passer beaucoup de temps, et, faute d'avoir donné lieu à des activités applicatives, elles ont été largement oubliées.
Il est généralement beaucoup plus performant d'adopter une démarche progressive et souvent itérative, où les enseignants commencent par motiver les élèves en leur faisant découvrir la réalité professionnelle et en introduisant les bases comme moyens pour comprendre comment fonctionnent les systèmes techniques qu'ils auront à exploiter professionnellement. L'expérience montre que, dès lors qu'ils voient bien à quoi les bases vont servir, ils acceptent de les étudier pourrions-nous dire « avec application », alors qu'ils ne feraient que les survoler dans le cadre d'une démarche classique.
L'analyse fonctionnelle système peut de surcroît se révéler un excellent outil pour aider l'équipe pédagogique à organiser le déroulement du cours, étant donné qu'elle conduit à représenter graphiquement le réseau des liens logiques qui existent entre les différentes fonctions assurées par les systèmes techniques et leurs composants, et donc entre les différentes parties du cours.
Il est alors tout naturel d'introduire les bases de manière contextuelle chaque fois que nécessaire, au moment de l'étude des solutions techniques.
La mise en œuvre pratique de l'AFS peut se faire de la manière suivante, l'objectif principal étant d'aider les élèves à comprendre le dispositif qu'ils étudient et de justifier les choix techniques :
L'analyse fonctionnelle globale peut être effectuée en plusieurs étapes :
partir de la finalité du dispositif technique et identifier ses principaux composants (blocs, armoires, cartes électroniques, racks...) ;
généraliser cette décomposition technique en remontant aux fonctions ;
les hiérarchiser et construire le diagramme FAST progressivement, en distinguant les fonctions principales et contraintes.
Un zoom sur les fonctions ainsi identifiées permet ensuite :
de distinguer les fonctions de service et techniques ;
d'identifier les paramètres caractéristiques et leurs valeurs normales et limites.
Au cours de ce processus, le besoin de recourir à des explications théoriques apparaît généralement clairement, ce qui permet de les introduire de manière contextuelle et renforce la motivation des élèves pour les étudier.
Un exemple de mise en pratique de l'AFS pour l'étude des moteurs thermiques est donné dans une page de ce portail. Elle montre bien que les trois fonctions principales sont toujours les mêmes, alors que les solutions constructives sont très variées :
comprimer un fluide ;
le chauffer ;
le détendre dans une machine dont les parois mobiles produisent du travail mécanique.